LES BUNKERS

L’éthique du dealer de coke (et des entrepreneurs).

Qui est le coupable, le dealer de drogue ou le junkie?

Au Canada, la vente de stupéfiants est une offense bien plus importante que sa consommation. Aux yeux de notre système, c’est le dealer le coupable.

Mais quand on y pense, est-ce que le dealer ne répond simplement pas à une demande du marché? Si les gens ont envie de se désennuyer un peu en prétendant être Al Pacino dans Scarface le temps d’une soirée, c’est leurs affaires! Que ce soit dangereux ou pas, ils prennent la décision de consommer comme des adultes.

Donc, est-ce vraiment la faute du dealer? S’il n’y avait pas d’acheteurs, il n’y aurait pas de vendeurs.

Mais d’un autre côté, peut-être que la personne qui achète ne sait pas réellement ce qu’elle fait. Peut-être qu’elle est sous l’influence de l’alcool ou qu’elle est simplement mal informée.

Dans ce cas, le dealer est un loup qui tire profit des brebis égarées.

Ou bien, d’un autre point de vue, peut-on s’entendre pour dire que peu importe ton rôle dans la transaction, le simple fait de participer à la vente d’un produit (comme une ligne de coke) encourage et supporte son réseau de distribution et de mise en marché?

Donc, si tu achètes ou vends un gramme de coke, tu participes à un système qui exploite des enfants et tue des innocents.

Maintenant, quel est le lien avec la business et le marketing? Eh bien, pour être capable de travailler plus longtemps et être plus productif, c’est important de prendre beaucoup de coke.

C’est une blague!

Je n’apporte pas le sujet parce que je m’intéresse à l’éthique de la vente de stupéfiants. J’en parle parce que je pense que beaucoup d’entrepreneurs sont, sans le savoir, comme des dealers de drogues.

La notion de « valeur »

La notion de « valeur » est sans doute un des concepts les plus importants à comprendre pour avoir du succès. Malheureusement pour nous, c’est également un mot que les gens plug un peu partout sans vraiment savoir ce qu’ils disent. Un peu comme Donald Trump lorsqu’il parle.

La première erreur à ne pas faire lorsqu’on pense au concept de valeur est de faire l’association suivante : valeur = argent.

C’est possible de faire de l’argent sans apporter de valeur et c’est possible d’apporter de la valeur sans faire d’argent.

Dans un monde idéal, ce ne serait pas le cas, mais un grand sage l’a déjà dit : « c’est ça qui est ça! »

Ce problème provient du fait que :

  1. les intérêts d’un individu sont en contradiction avec ceux de la population;
  2. le prix est une métrique subjective de la valeur.

Ça sonne fancy, mais c’est vraiment plus simple que ça en a l’air.

En tant qu’individu, si tu prends de la coke, tout te “semble” génial. Mais, en tant que société, si 10 % de la population en prend, ça risque de poser quelques “petits” problèmes. C’est ça que je veux dire par « les intérêts individuels sont en conflit avec ceux de la population ».

Et ensuite, puisque le prix est une métrique subjective, ça veut dire que les différents acteurs impliqués dans la transaction accordent un prix différent au produit.

Chaque acteur possède un niveau d’influence différent sur la transaction, ce qui est comptabilisé dans le prix final fixé par l’offre et la demande.

En d’autres mots, le prix que tu as payé (50 $) pour avoir accès à la valeur générée par le produit (se sentir comme Tony Montana) est inférieur à la valeur demandée pour créer le produit (des gens sont morts).

Puisque les victimes collatérales n’ont aucune influence dans la transaction, leurs intérêts ne sont pas pris en compte dans l’évaluation monétaire de la valeur du produit.

Ça veut donc dire que la transaction aura généré une somme de valeur négative pour la société. Tu as eu une belle soirée, un dealer s’est fait 50 $, Tim a perdu sa mère.

Où ça m’amène tout ça? Eh bien dans le monde des affaires, on est témoins d’une vague d’entrepreneurs qui se sentent justifiés par le simple fait qu’ils « font de l’argent » et « répondent à un besoin ».

Mais, comme on vient de voir, on peut accomplir ces deux choses-là et être une nuisance publique quand même!

Je pense aux gens qui savent que leur produit n’est pas bon, mais capitalisent sur leur réseau de contacts pour vendre une solution subpar trop chère à des gens qui se sentent mal de leur dire non (je pense à vous autres, la gang d’ACN).

Je pense également aux sectes (et plusieurs religions), à certains coachs de vie, à PFK (même si leur sauce est délicieuse).

Je veux qu’on se comprenne, je ne suis pas en train de dire qu’on devrait rendre le poulet frit illégal! Je dis simplement qu’en tant qu’entrepreneur, on a une responsabilité morale de contribuer à la société, d’attaquer des problèmes importants et de se laisser guider par le compas le plus important de tous : celui de générer de la valeur.

Générer de la valeur? Ou de la compétition?

J’ai une question… Préfères-tu avoir la vie dure ou facile?

Je demande, parce qu’à voir aller la grande majorité des entrepreneurs, j’ai l’impression d’être dans une livre de 50 shades of grey — une gang de sadomasos qui aiment jouer à duck hunt en mode “expert”.

Quand on se part une business, on va habituellement faire une des deux choses suivantes:

  1. Partir de ce qu’on connaît et vendre son expertise.
  2. Partir des entreprises qu’on trouve intéressantes et les émuler.

Et lorsqu’on fait un de ces deux trucs-là, c’est hyper important de se poser la question: est-ce qu’on apporte de la valeur? Ou uniquement de la compétition? 9 fois sur 10, on génère uniquement de la compétition.

Il n’y a pas de pénurie d’agences web, de coach, de restaurants, de courtiers immobiliers ou d’agents de voyage. Pourtant, les gens continuent de foncer tête première pour accomplir “le rêve entrepreneurial”.

Pendant que des mines d’or se cachent à la vue de tous, les entrepreneurs abondent docilement vers ce qui leur est familier! Après tout, c’est beaucoup plus facile de prendre une idée déjà testée et éprouvée que d’aller (oh seigneur, tout mais pas ça!) parler à des gens pour trouver des problèmes qui valent la peine d’être réglés.

Commences-tu à voir où je veux en venir? On ne choisit pas une idée d’entreprise à travers une sélection dans un catalogue, on creuse et on gratte pour trouver les peurs, désirs & frustrations des gens. On cherche les bobos pour lesquels on n’a pas encore trouvé de plasteurs.

J’explique comment faire dans mon article intitulé “Comment devenir riche et dominer le monde” parce que fuck you, je peux faire un guide là-dessus même si je ne suis pas riche et que je ne domine pas (encore) le monde.

Mais un des points cruciaux que je n’ai pas touchés dans cet article est celui de l’importance de dominer son marché pour établir un monopole.

Si tu ouvres un Steak-House au centre-ville de Trois-Rivières, tu ne génères pas de valeur (même si tu fais de l’argent). Penses-y, il y a déjà 4 autres fucking Steak-House à moins de 150 mètres du tien! Donc, même si ton resto est rentable, la seule chose que tu fais, c’est déplacer de la valeur au sein du marché. La tarte n’est pas plus grosse pour tout le monde, c’est juste qu’à cause de toi, la pointe des autres est plus petite!

Déjà là, tu es moins pire qu’un dealer de coke parce que la somme de valeur n’est pas négative, mais elle n’est pas positive non plus! Elle est neutre.

Et quand c’est neutre, c’est difficile.

La solution pour qu’on puisse tous vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants.

Tout ça nous laisse avec un problème… Est-ce que ça veut dire qu’on n’aura plus jamais de nouveaux restaurants au centre-ville? Absolument pas! En fait, je connais 3 façons pour y arriver:

  1. En ayant une solution 10 fois moins coûteuse que les autres.
  2. En ayant une solution 10 fois meilleure que les autres.
  3. En étant le seul à offrir ton produit/service.

Être 10 fois moins cher

Avoir une solution 10 fois moins coûteuse te permet de réduire les prix de moitié tout en gardant une marge de profit intéressante. Laisse-moi t’expliquer pourquoi ça apporte de la valeur au marché. Disons que tu as le choix entre deux bouteilles de scotch identiques: une à 100 $, l’autre à 50 $. Lorsque tu prends la bouteille de 50 $, tu es 50 $ plus riche que si tu prends la bouteille à 100 $. Donc, on ajoute 50 $ au marché!

C’est important d’être 10 fois moins cher parce qu’une solution “un peu” moins chère ne te permettra pas de dominer ton marché. Ça va juste faire une guerre des prix vers le bas et, même si c’est bon pour le consommateur (d’un certain point de vue), ton expérience entrepreneuriale va être extrêmement compétitive et difficile.

Rappelle-toi, ça ne sert à rien de jouer en mode expert, alors autant bien jouer en mode facile!

Donc, comment pourrait-on faire pour s’ouvrir un restaurant au centre-ville en réduisant ses coûts de 10x? C’est ce genre de questions qui mène à la création d’entreprises profitables. Et les réponses qu’on trouve sont en fait des hypothèses qu’on doit tester.  [Lire: Comment devenir entrepreneur]

On pourrait faire un concept de restaurant où les gens font leur propre nourriture, ou encore un autre concept où la nourriture sort d’une imprimante 3D! Comme ça, on élimine le salaire des employés.

On pourrait aussi faire un concept de restaurant où la nourriture est faite dans une cuisine où le loyer est ridiculement abordable, sans salle à manger et où toutes les commandes sont livrées par drones.

Toutes ces idées peuvent sembler farfelues, mais si on regarde autour de nous elles sont déjà en train de se produire! On n’a qu’à regarder McDonald's avec leurs tableaux de commande intelligents.

Un autre exemple est celui d’Elon Musk avec SpaceX. En réutilisant le premier stage de ses fusées et en manufacturant l’ensemble de ses pièces, il réduit drastiquement ses coûts, ce qui lui rend la vie facile lorsqu’il négocie avec la Maison-Blanche pour avoir des contrats. Après tout, qui dirait non à 10 fois moins cher?

Et si tu veux un autre exemple, tu n’as qu’à regarder les matelas Leesa ou Endy qui révolutionnent présentement l’industrie du matelas de luxe en n’offrant qu’un seul modèle hyper facile à livrer, tout en coupant les intermédiaires!

Être 10 fois meilleur.

Développer une solution 10 fois meilleure coûte souvent la peau du cul et on doit habituellement réinventer la roue. Cependant, c’est tout de même possible d’en faire une entreprise très profitable parce qu’il y aura presque toujours des gens prêts à payer le prix.

Prenez les casques de réalité virtuelle… D’un côté on a le Google Cardboard à 5 $, et de l’autre on a le HTC Vive à 1 200 $. Si tu n’as jamais comparé les deux, je peux comprendre la tentation de se dire “Ben voyon, qui va payer 240 fois plus cher pour avoir quelque chose de 10 fois mieux!?” Mais pour avoir acheté les deux, je peux te confirmer que le Vive est réellement 10 fois meilleur, et qu’à mon avis, il vaut réellement 240 fois plus cher.

D’autres exemples incluent le passage du cheval à la voiture, du flip phone au iPhone (je suis quand même sur Android), de la croisière à l’aviation ou, au risque d’exposer mon man crush, Elon Musk avec sa Tesla S.

En 2015, Consumer Reports a annoncé qu’il s’agissait de la meilleure voiture qu’ils aient testée. En développant une voiture électrique bad ass, on peut argumenter qu’Elon a créé une voiture littéralement 10 fois meilleure que sa concurrente électrique le plus proche, la Nissan Leaf (bien sûr, je parle de 2012 lors de la sortie du modèle S. Depuis, BMW, Audi et d’autres se sont lancés dans ce marché).

La voiture est 4,5 fois plus performante en termes de vitesse (1-100 en 2,5 contre 11,3), 3 fois plus performante en termes d’autonomie (490 km contre 160 km si on compare les modèles 2012) et que dire du look, du confort et de la conduite? Toutes ces améliorations en font une alternative 10 fois meilleure que l’autre voiture 100 % électrique sur le marché: la Nissan Leaf.

Bien sûr, vous allez me dire qu’il ne s’agit pas de la même gamme, et c’est justement ça mon point. Il existe un marché pour l’excellence. Les gens sont prêts à mettre 200 000 $ pour avoir la meilleure voiture électrique du marché si elle dépasse suffisamment ses compétiteurs.

Le plus fou dans le cas de Tesla, c’est que l’entreprise n’est même pas rentable. Toute sa valeur est spéculative, c’est pour dire… Lorsqu’on apporte assez de valeur, c’est possible d’être un entrepreneur glorifié alors qu’on perd de l’argent! Laisse-moi te dire que ce genre de phénomène n’arrive pas lorsque notre apport est neutre ou négatif.

Avoir un monopole

Ça aura été facile pour moi de vendre plus de 300 formations sur la publicité Facebook parce qu’en français, une formation qui a de l’allure sur le sujet, ça n’existait pas. Je n’aurais jamais fait ça en anglais parce qu’il existe déjà Jon Loomer et Amy Porterfield. Je n’aurais pas créé de valeur, juste de la compétition.

Même principe avec mon dernier projet: La Tranchée. Il s’agit du seul forum actif et bien modéré sur le marketing et l'entrepreneuriat en français. C’est pour cette raison que la communauté est si active!

Et ça s’applique même à cet article de blogue! Me voilà en train de parler d’entrepreneuriat comme si j’étais un vétéran alors que je n’ai que 25 ans et une seule entreprise sous la ceinture!

Mais cet article apporte de la valeur quand même, parce que les personnes qui ont plus de légitimité que moi pour le faire ne le font pas! Je pense à toi Martin-Luc Archambault! Il est où ton blogue?

Mon point est le suivant: il existe encore une TONNE de marchés où c’est encore possible d’être le premier. Tout le monde veut se faire une app et être le prochain Snapchat (ajoutez-moi: olivier_lambert), ce qui fait en sorte que personne ne porte attention aux industries moins sexy. (Ex.: élevage, agriculture)

Ce que je vais dire va sembler extrêmement sexiste et raciste, mais fuck it, c’est la réalité. La majorité des nouveaux entrepreneurs se ressemblent tous: des hommes blancs entre 25 et 35 ans qui ont des Macs. Les autres segments sont tous sous-représentés.

La conséquence? Il existe une TONNE de solutions pour cette démographie alors que tout le reste du marché est négligé.

À cause de ce phénomène, je pense qu’une des plus belles qualités qu’un entrepreneur puisse avoir est la capacité de se préoccuper des problèmes qui ne le concernent pas.

La morale de l’histoire est...

J’ai commencé l’article en parlant des dealers de drogue et je m’en suis servi comme exemple pour dire que c’est possible de faire de l’argent tout en étant malsain pour la société.

C’est possible à cause que 1) tous les acteurs impliqués dans la transaction n’ont pas nécessairement leur mot à dire, et 2) les intérêts individuels sont parfois en conflit avec ceux de la masse.

Ce phénomène ne concerne pas uniquement les échanges illégaux, il existe beaucoup d’entrepreneurs qui sont actuellement nuisibles, c’est-à-dire que la tarte rétrécit à chaque fois qu’ils vendent leurs produits de merde. C’est entre autres le cas de plusieurs entreprises de MLM.

Mais il n’y a pas que les échanges négatifs dont il faut se méfier. Il existe également des transactions neutres, c’est-à-dire celles où la tarte ne grossit pas, on ne fait qu’en prendre un peu à ses voisins.

Lorsque notre entreprise a un apport neutre à la société, tout est plus difficile. C’est le cas lorsqu’on ouvre un restaurant ou un bar au centre-ville par exemple!

Et finalement, l’alternative est d’avoir un apport positif significatif à la société. On fait ça en réduisant les coûts de 10x, en augmentant la qualité de 10x ou en répondant à un besoin qui n’est pas (encore) adressé par le marché.

Si on modélise tout ça, ça nous donne le beau graphique suivant

À l’extrême gauche, on a des entreprises très profitables, mais nuisibles pour la société. Trafic humain, vente de coke, d’armes ou création de sectes. Moins l’entreprise apporte de valeur à la société, plus elle est lucrative et plus les chances sont qu’elle soit illégale (ce qui contribue à leur profitabilité), donc c’est également très difficile (et dangereux).

Au milieu, on a toutes les industries où on approche le modèle économique de compétition parfaite. Peu ou pas de valeur est créé lors de l’ajout d’un produit/service (as-ton vraiment besoin d’une nouvelle sorte de céréales?) Si on se retire du marché, quelqu’un d’autre prend notre place instantanément. Les entreprises sont toutes remplaçables et similaires, c’est donc très difficile d’y avoir du succès.

À droite, c’est là que l’innovation se passe: on trouve de nouvelles solutions à de vieux problèmes ou on règle des problèmes qui n’ont présentement aucune bonne solution, on réduit drastiquement les coûts ou on améliore la qualité par 10x. Plus l’existence de notre entreprise génère de la valeur, plus la société va encourager et faciliter son développement. Par exemple, l’état du Nevada a donné 1,3 milliard en répit fiscal pour que Tesla implante sa “gigafactory” chez eux. Et ce n’est qu’un des exemples! En tout, le gouvernement américain a contribué à la hauteur de 4,9 milliards en incitatifs fiscaux autant pour les compagnies que pour inciter les consommateurs à acheter leurs produits.

En d’autres mots, plus une entreprise génère de la valeur, plus la game est “facile” et plus ce que tu fais est “éthique”.

Et TOI, qu’en penses-tu?

Honnêtement, je suis semi-à l’aise de faire de grandes théories comme celle-là parce que je suis convaincu que mon texte ressemble à une grosse tranche de fromage suisse: c’est plein de trous et je n’ai aucune idée comment ils sont arrivés là. Je suis pleinement conscient que je suis jeune et que j’ai encore tout à apprendre.

Alors si tu n’es pas d’accord sur un ou plusieurs points, n’hésite surtout pas à me les partager dans les commentaires ci-dessous.

Et si tu penses que j’ai frappé dans le mille, même principe! Dis-le-moi et je vais faire plus d’articles comme celui-là ;)!

Sur ce, peace out!

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